Le dernier jour d'un condamné
Évaluation 2.
Texte:
Et puis, il m'est arrivé une chose ridicule.
On est venu relever mon bon vieux gendarme, auquel, ingrat égoïste que je suis, je n'ai seulement pas serré la main. Un autre l'a remplacé : homme à front déprimé, des yeux de bœuf, une figure inepte.
Au reste, je n'y avais fait aucune attention. Je tournais le dos à la porte, assis devant la table ; je tâchais de rafraîchir mon front avec ma main, et mes pensées troublaient mon esprit.
Un léger coup, frappé sur mon épaule, m'a fait tourner la tête. C'était le nouveau gendarme, avec qui j'étais seul.
Voici à peu près de quelle façon il m'a adressé la parole.
– Criminel, avez-vous bon cœur ?
– Non, lui ai-je dit.
La brusquerie de ma réponse a paru le déconcerter. Cependant il a repris en hésitant :
– On n'est pas méchant pour le plaisir de l'être.
– Pourquoi non ? ai-je répliqué. Si vous n'avez que cela à me dire, laissez-moi. Où voulez-vous en venir ?
– Pardon, mon criminel, a-t-il répondu. Deux mots seulement. Voici. Si vous pouviez faire le bonheur d'un pauvre homme, et que cela ne vous coûtât rien, est-ce que vous ne le feriez pas ?
J'ai haussé les épaules.
– Est-ce que vous arrivez de Charenton ? Vous choisissez un singulier vase pour y puiser du bonheur. Moi, faire le bonheur de quelqu'un !
Il a baissé la voix et pris un air mystérieux, ce qui n'allait pas à sa figure idiote.
– Oui, criminel, oui bonheur, oui fortune. Tout cela me sera venu de vous. Voici. Je suis un pauvre gendarme. Le service est lourd, la paye est légère ; mon cheval est à moi et me ruine. Or je mets à la loterie pour contrebalancer. Il faut bien avoir une industrie. Jusqu'ici il ne m'a manqué pour gagner que d'avoir de bons numéros. J'en cherche partout de sûrs ; je tombe toujours à côté. Je mets le 76 ; il sort le 77. J'ai beau les nourrir ils ne viennent pas...
– Un peu de patience, s'il vous plaît, je suis à la fin.
Le dernier jour d'un condamné ; Chapitre XXXII.
Compréhension:
1) Situez le passage.
2) est ce que le nouveau gendarme est décrit de manière valorisante ou dévalorisante?
3) Quelle faveur le nouveau gendarme demande-t-il au narrateur ?
4) dans ce passage, il y a deux tonalités opposées, lesquelles?
5) Quelle est la figure de style employée dans cette phrase:" Je me suis rassis, muet et plus désespéré de toute l'espérance que j'avais eue." ? Que traduit-elle?
6) Qu'est ce qui a fait espérer le narrateur?
7) pourquoi le narrateur refuse-t-il la proposition du narrateur?
En quoi le gendarme et le narrateur se ressemblent-ils?
9) La vie a-t-elle une grande valeur pour la société, d'après ce passage?
10) Quelle est la figure de style employée dans l'énoncé suivant:" Je voyais déjà les portes s'ouvrir devant l'uniforme de gendarme"?
Le corrigé:
1) Le narrateur, qui et le personnage principal, est transféré de la prison de Bicêtre à une cellule de la Conciergerie où il doit attendre quelques heures d'être exécuté pour avoir commis un meurtre.
2) Il est décrit de manière dévalorisante :"homme à front déprimé, des yeux de bœuf, une figure inepte." En outre, il est présenté comme un homme bête puisqu'il n'a pas deviné le vrai dessin du narrateur (le projet de fuite)
3) Il lui demande de revenir après sa mort pour lui indiquer les numéros gagnants à la loterie.
4) Il y a une tonalité comique (le nouveau gendarme est bête et ridicule) , et une tonalité tragique (la condition du narrateur qui va être exécuté dans quelques heures)
5) Il y a une antithèse : désespéré VS espérance. Cette antithèse traduit la situation de déchirement du narrateur ; il est tiraillé entre l'espoir et le désespoir.
6) Ce qui a fait espérer le narrateur c'est la bêtise du gendarme et son désir de devenir riche: ces deux facteurs lui permettront de persuader le geôlier d'échapper avec lui ses habits; par conséquent, il pourra s'enfuir facilement.
7) Il refuse parce que si le narrateur s'enfuit, il ne mourra pas. Alors, il n'y aura pas de revenant pour lui indiquer les bons numéros de la loterie.
Le gendarme parie au jeu; il ne sait pas s'il va gagner ou non. Et le narrateur parie sur un espoir vague d'être sauvé.
9) Non, la vie n'a aucune importance : le gendarme désire fermement que le criminel soit décapité afin qu'il gagne de l'argent. C'est une condamnation de la société.
10) Il s'agit d'une métonymie.