La kissaria, rendez-vous de toutes les élégantes de la ville, me parut contenir les fabuleux trésors de Soleiman, fils de David. Des caftans de drap amarante, des gilets précieusement ornementés de passementeries et de boutons de soie, des djellabas en voile de laine, des burnous somptueux voisinaient avec des tulles irisés comme des toiles d'araignée sous la rosée, des taffetas, des satins moirés et des cretonnes aux couleurs sauvages.
Le gazouillis des femmes prêtait à ce lieux je ne sais quelle atmosphère d'intimité. Les marchands ne ressemblaient pas à ceux des autres souks. La plupart étaient des jeunes gens, beaux de visage, très soignés dans leur mise, courtois dans leur langage. Ils ne se mettaient jamais en colère, faisaient montre d'une patience sans limite, se dérangeaient pour montrer à une cliente une étoffe posée sur le plus haut rayon, dépliaient la pièce, la repliaient pour la remettre à sa place, la cliente ayant déniché sous une pile de soie, une étoffe qui lui plaisait mieux.
Nous fîmes cinq ou six boutiques avant d'acheter trois coudées de cotonnade blanche. Elle devait servir à me faire confectionner une chemise. C'était de la cotonnade de bonne qualité, la qualité « Poisson ». Ma mère ne voulait pas d'autre marque. Le marchand nous montra, imprimé en bleu sur une assez grande longueur de la pièce, un poisson avec toutes ses écailles. Le cérémonial du marchandage dura beaucoup moins que lorsqu'il fallut payer le gilet rouge à soutaches.
Nous nous arrêtâmes devant une dizaine de magasins. Les marchands s'empressaient de nous montrer des piles de gilets de ma taille. Toutes les nuances de rouge défilaient sous nos yeux ; aucune ne correspondait au ton que désirait ma mère. Finalement elle fixa son choix sur un gilet cerise abondamment orné de serpentins et de fleurons en passementerie, légèrement plus foncée que le tissu.
Elle m'enleva la djellaba , m'essaya le gilet, me le boutonna jusqu'au cou, s'éloigna pour se rendre compte de l'effet, me fit signe de tourner à droite, puis de tourner à gauche, mit un temps infini à le déboutonner, en fit une boule qu'elle fourra brusquement entre les mains du marchand.
- Cet article te plaît-il ?
- C'est le prix qui décidera, répondit ma mère.
- Alors je te prépare le paquet ; aux clients sérieux, je consens toujours un rabais. Ce gilet vendu couramment cinq réaux, je te le laisse pour quatre réaux seulement
- Coupons court à toutes discussion, je t'en offre deux réaux.
{ La Boite à Merveilles - Ahmed Sefrioui }
COMPREHENSION
1) Situez le passage dans l'œuvre dont il est extrait
2) A quel genre appartient ce texte ? relevez des indices qui le montrent
3) De quels trésors fabuleux parle le narrateur ?
4) Relevez du deuxième paragraphe une métaphore et expliquez la.
5) Comment le narrateur décrit-il les marchands de la kissaria ?
6) Qu'est ce que la mère acheta pour son enfant ?
7) Comment vous estimez la capacité de la mère à marchander ? justifiez
8 ) La scène de marchandage entre la mère et le marchand diffère-t-elle des scènes de marchandage dans les souks marocains d'aujourd'hui ? Expliquez
PRODUCTION ECRITE
Les coutumes marocaines imposent l'achat des vêtements neufs aux enfants à l'occasion des fêtes religieuses. Racontez un souvenir où vous êtes sortis avec vos parents acheter de nouveaux habits tout en décrivant la kissaria et les scènes de marchandage
Correction de l'épreu.. Ecoles du Monde -
Correction de l'épreuve III
1) Le passage est extrait du roman autobiographique la Boite à Merveilles du romancier marocain d'expression française Ahmed Sefrioui( 1915/2004) . Ce roman, paru en 1954, raconte les souvenirs d'enfance du narrateur Sidi Mohamed. Il relate ces souvenirs sous forme d'un album .Parmi ces souvenirs, on note celui de l'Achoura où tout le monde s'y prépare activement pour célébrer cette fête au M'sid comme en famille. Lalla Zoubida emmène son fils à la kissaria pour lui acheter des vêtements neufs.
2) Le texte est du genre autobiographique. Il s'agit d'un roman autobiographique où le narrateur nous raconte une partie de sa vie( l'enfance). L'emploi du pronom
personnel « je » le prouve
3) Le narrateur évoque les trésors fabuleux en parlant des caftans de drap amarante, des gilets précieusement ornementés de passementeries et de boutons de soie, des djellabas en voile de laine, des burnous somptueux voisinaient avec des tulles irisés comme des toiles d'araignée sous la rosée, des taffetas, des satins moirés et des cretonnes aux couleurs sauvages.
4) La métaphore du deuxième paragraphe est : le gazouillis des femmes. Ici les femmes sont comparées à des oiseaux qui gazouillent. La comparaison se fait sans outil et sans comparant. Il s'agit donc de métaphore
5) Les marchands de la kissaria pour la plupart étaient des jeunes gens, beaux de visage, très soignés dans leur mise, courtois dans leur langage. Ils ne se mettaient jamais en colère, faisaient montre d'une patience sans limite, se dérangeaient pour montrer à une cliente une étoffe posée sur le plus haut rayon, dépliaient la pièce, la repliaient pour la remettre à sa place.
6) Elle lui acheta trois coudées de cotonnade blanche et un gilet rouge à soutaches.
7) La mère marchande bien. Elle ne se laisse pas impressionner par le marchand et offre la moitié du prix tout en refusant de poursuivre le marchandage si son offre est rejetée
8 ) La scène de marchandage insérée dans le texte ne diffère en rien des scènes qu'on peut voir quotidiennement dans les souks marocains. Nos femmes sont réputées par leurs manières minutieuses de marchander.